I - Des origines…

 

Il était une fois

Descendant d’une vieille famille noble de Vendée ruinée par la Révolution, Eugène de Hillerin assoit son patronyme dans le monde de la quincaillerie et du négoce à Paris. Visionnaire au caractère bien trempé, ce grand travailleur pose les premières fondations de la maison dans le quartier des Halles où il habite et où il connaît tout le monde.

 

Bicentenaire

Dans les années 1880, Eugène de Hillerin fait l’acquisition d’un magasin de quincaillerie, d’articles de ménage et d’un atelier de chaudronnerie, situés respectivement au 1, rue Montmartre et au 7, rue du Bouloi. Il a notamment pour clients les restaurateurs qui viennent se fournir en produits frais aux Halles voisines. Rapidement, Eugène a les moyens de racheter tout un ensemble de petits commerces complémentaires à son activité dont un atelier d’étamage, mais aussi un vieux magasin créé en 1820. Cette dernière acquisition permet à la maison Dehillerin de s’ancrer dans près de 200 ans d’histoire… Quelques années plus tard, toutes les activités de fabrication sont regroupées dans le 15e arrondissement.

 

“Aider modestement…”

En 1890, le magasin de quincaillerie déménage rue Coquillière et adopte, dès cette époque, le visage qu’il présente toujours aujourd’hui avec son foisonnement d’ustensiles hétéroclites.

Spécialiste de la fourniture et de la vente de matériel de cuisine, la maison a pour devise “Aider modestement à promouvoir la cuisine française”.

De fait, tous les professionnels des métiers de bouche, restaurateurs, pâtissiers, charcutiers, traiteurs, y trouvent les ustensiles de qualité et d’usage indispensables à leur art. Chez Dehillerin, on prend même un malin plaisir à les décliner dans toutes les tailles possibles.

 

Médaille d’or !

Grâce à la qualité de ses produits, la maison remporte, chaque année ou presque, de nombreuses distinctions lors des concours organisés dans le cadre d’expositions culinaires. En 1894, elle reçoit la médaille d’or pour sa batterie de cuisine et le diplôme d’honneur de 1895 à 1900.

À la fin du XIXe siècle, Eugène est même sollicité pour faire partie du jury hors concours.

 

 

II - Deuxième génération

 

Passage de témoin

Prospère et d’une excellente réputation, la maison E. DEHILLERIN subit en 1902 un terrible coup du sort avec le décès prématuré d’Eugène, son fondateur. Sans la très grande énergie d’Augustine, sa veuve, aidée de son fils Paul-Eugène, dit Maurice, de sa fille aînée, Andrée, et de son gendre, la saga Dehillerin n’aurait été qu’un feu de paille. Avec une main de fer, Augustine assure la pérennité de l’entreprise et reprend les affaires jusqu’au retour de guerre de Maurice, démobilisé en juillet 1919.

Si Augustine réussit à assurer la transition entre le père et le fils, c’est bien ce dernier qui, par ses audaces et son sens commercial, va permettre à l’entreprise d’accroître sa notoriété et de se développer de façon spectaculaire.

 

Réputation internationale

Très tôt, la maison E. DEHILLERIN devient bien plus qu’une simple boutique d’articles de cuisine. En 1909, l’ouvrage Paris, ville lumière qui présente les fleurons touristiques de la capitale la consacre ainsi comme l’une des curiosités parisiennes.

Sa notoriété et sa réputation dépassent même très vite les frontières. En 1912, la célèbre White Star Line, armateur du Titanic, passe commande d’un certain nombre d’ustensiles. Au milieu des années 90, des fouilles réalisées sur l’épave du paquebot permettront d’ailleurs de remonter un bain-marie à queue signé Dehillerin ! Cette pièce a été exposée à la Cité de la mer à Cherbourg en 2015 lors de l’exposition temporaire intitulée Des objets du Titanic nous racontent.

Au début des années 30, la maison fournit aussi les chambres froides d’un autre paquebot mythique, le Normandie.

L’Élysée et de nombreux palaces parisiens, dont l’hôtel Lapérouse, comptent également parmi les clients de Dehillerin.

 

 

III - Âge d’or et coup du sort

 

La maison s’agrandit

Véritable ambassadeur de l’art culinaire, Maurice Dehillerin côtoie les plus grands chefs de l’époque, participe aux dîners organisés par Auguste Escoffier et compte parmi ses clients une partie du gotha. En homme de terrain, il est aussi et surtout auprès de ses équipes à l’usine, où il crée et supervise les différentes activités tout en veillant sur le magasin. Il agrandit l’usine construite par son père dans le 15e arrondissement en développant les ateliers d’étamage et de chaudronnerie et en créant un atelier de menuiserie.

De multiples savoir-faire

C’est là que sont fabriqués les batteries de cuisine, les fameux moules à pâtisserie en cuivre et en fer-blanc, et les frigorifiques – meubles pour apéritifs, glacières de garde-manger, meubles à hors-d’œuvre – pour les restaurants… Une centaine d’employés se répartit entre le magasin et les ateliers dans une multitude de métiers aujourd’hui disparus. Ferblantier, récureur, décapeur ou encore passeur à la terre ont ainsi fait résonner les murs de l’usine jusque dans les années 60.

Sombres années

La Seconde Guerre mondiale apporte son lot de drames. Riche d’un stock de matières premières et de produits finis recherchés par les Allemands, la maison Dehillerin est l’objet de bien des convoitises. Elle est profondément déstabilisée lorsque Maurice est arrêté par la Gestapo pour faits de résistance après avoir été dénoncé. Déporté à Buchenwald-Dora, il y meurt en mars 1944. Son ombre planera longtemps sur la maison dont il fut véritablement l’âme et la cheville ouvrière.

En 1949, son fils Maurice-Claude, dit Jean, entre dans l’affaire familiale alors dirigée par sa tante Andrée et ses cousins, Jacques et Raymond. À la retraite de Jacques, il prend les rênes de l’entreprise qu’il tiendra jusqu’en 1996.

Signe d’une époque révolue, les patrons de la maison Dehillerin étaient alors désignés par leur prénom précédé d’un respectueux Madame ou Monsieur. C’est sous les noms de Madame Pierre alias Andrée, Monsieur Jacques et Monsieur Jean qu’ils étaient ainsi connus des salariés, des clients et des autres commerçants du quartier.

 

 

IV - French way of life

 

American dream

Après guerre, alors que l’activité redémarre doucement, la réputation de la maison Dehillerin traverse l’Atlantique et suscite rapidement l’admiration de la clientèle américaine.

Une réputation qu’elle doit en partie aux officiers américains du Shape (Supreme Headquarters Allied Powers Europe), le commandement suprême des forces de l’OTAN en Europe, installé près de Versailles au début des années 50. Venus acheter des poêles en cuivre pour cuire des steaks et des omelettes, les officiers repartent avec des poêles en tôle noire sur les conseils d’un vendeur qui leur explique que la cuisson y sera bien meilleure pour ce type d’aliments. Satisfaits et conquis, ils reviennent ensuite régulièrement et recommandent la boutique à leurs amis.

Deux décennies plus tard, la cuisinière et animatrice de télévision américaine, Julia Child, fait découvrir la cuisine française outre-atlantique dans des livres et des émissions suivies par des milliers de téléspectateurs. Formée à Paris, la prêtresse du French cooking est aussi une grande admiratrice de la maison Dehillerin. Aujourd’hui encore, bien des touristes américains, influencés par Julia Child, visitent la boutique au même titre que les monuments les plus emblématiques de la capitale.

 

Boutique cathodique

Considérée à juste raison comme une caverne d’Ali Baba, la maison Dehillerin a su capter l’air du temps en conservant ce qui a fait sa renommée : le charme suranné d’une boutique d’antan et la mémoire d’ustensiles improbables. Qui se souvient des moules à poulet, des moules en fer étamé ou des hâtelets, ces brochettes surmontées d’une figurine et qui servaient à décorer les plats et à en donner le thème ?

Régulièrement sollicitée pour prêter du matériel lors de tournages de films, la maison figure ainsi au générique de La Grande Bouffe ou plus récemment de la série Chefs. Elle conserve également une excellente réputation à l’étranger et fait toujours régulièrement la une des télévisions américaines et même japonaises.

 

Tradition et modernité

Loin d’être figée dans le passé, la maison Dehillerin a su s’adapter à l’évolution de la gastronomie et des techniques culinaires : son catalogue regroupe aujourd’hui tous les ustensiles indispensables à la cuisine moderne. Elle n’a jamais abandonné non plus ce qui, dès l’origine, lui a permis de se distinguer de la concurrence : des articles d’une qualité irréprochable et, en boutique, des conseils d’un grand professionnalisme.

La quatrième génération de la famille Dehillerin, en particulier Éric et Édouard, fils de Jean et arrière-petits-fils du fondateur, Eugène, préside aujourd’hui aux destinées de la maison.